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BOUGRESSES

17 avril 2019

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BAGA

Libre critique

par Philippe Thuru, journaliste

Directeur de cabinet du maire d’Arles

 

« Je suis roi de moi-même et de ma crasse ». Sur un hybride fauteuil à roulettes, mi-dentiste, mi-DRH, un vieil homme prétendument monarque, usé et désabusé, s'avance vers vous pour se raconter. Sa couronne de pacotille doit dater d'une ancestrale épiphanie et le pourpre de sa robe de chambre n'a pas survécu au temps. Comme dans tous les romans de Pinget, dont l'un d'eux, « Baga », nourrit cette pièce du théâtre du Maquis, le texte semble s'élaborer en direct, bien que le narrateur - subtile mise en abîme, semble s'en émanciper ou le contredire en gommant, ici ou là, le moleskine enchâssé dans une poche intérieure. Pendant 70 minutes, Pierre Béziers, seul en scène, incarne avec gourmandise et une aisance déconcertante ce roi déchu dont les mémoires ne sont que l'ombre portée d'une vie qui n'a peut-être pas eu lieu. La réalité ne nous est ici d'aucun intérêt, car au Maquis comme chez Pinget, c'est la fiction qui nous sauve avec ces bribes d'existence sans queue ni tête mais diaboliquement jubilatoires. Ce roi, qui pratique à l'envi l'autodérision, dit son quotidien rythmé par les repas (exclusivement du bœuf), la toilette, et ses allers-et-retours dans un lupanar où l'attendent d'imaginaires prostituées. Tyran à l'ancienne ou plutôt dictateur à la petite semaine, cet épicurien paresseux et jouisseur a banni le Carême et chassé les affamés de son royaume. Pour le reste, il a mandaté son premier ministre, Baga, pour expédier l'administration de son territoire et gérer une ultime guerre qu'il perdra, malgré l'armée de rats qu'il expédie aux trousses de l'envahisseur. Ce solo a priori casse-gueule, passe à la vitesse de la lumière. La mise en scène, à l'économie et inventive de Jeanne Béziers et le jeu total de Pierre Béziers sont passés par là pour nous tramer une petite forme en très grande forme, déjantée, drôlatique et un tantinet mélancolique. Car en creux, ce Baga-ci nous tend le miroir de nos propres existences, nos vanités et nos illusions de baudruche. Barbara l'aurait chanté ainsi : « ce que vous vendez-là c'est mon passé à moi ».

Philippe Thuru

4 août 2017

PRESSE PARUE À LA SORTIE DU ROMAN (1958, Éditions de Minuit) :

Maurice Nadeau (France-Observateur, 1958)
Voilà un auteur qui sait ce qu'il fait et qui, depuis Mahu ou le matériau et surtout Graal Flibuste semble s'être appliqué en retenant l'attention des connaisseurs, à vouloir créer une épopée bouffonne de notre temps. Ses récits se déroulent à peu près toujours dans des royaumes imaginaires où évoluent des êtres gonflés de suffisance et de sottise ou, au contraire, d'une sagesse qui doit prendre les apparences de l'humour et de la drôlerie. C'est une Grande Garabagne moins cruelle que celle de Michaux et peuplée de petits Jarry en herbe, pataphysiciens et ubuesques à l'envi. Ils surprennent et font rire ; ils poussent aussi bien à la mélancolie quoique aucune morale précise ne puisse jamais être tirée de leur époustouflant comportement.
Baga est l'histoire, riche en anachronismes, d'une sorte de tyran à l'antique, paresseux et jouisseur, qui s'en remet à Baga, son ministre du palais, pour l'administration du royaume. Il livre une guerre qu'il perd, malgré l'armée de rats qu'il a dépêchée sur l'ennemi, se réfugie dans les bois où il se fait ermite, recouvre son trône, le perd à nouveau, entre dans une communauté de religieuses où il change de sexe, redevient homme et retrouve le fidèle Baga.
Ses aventures sont contées avec une verve éblouissante. 

Alain Bosquet (Combat, 1958)

Disons d'abord tout le bien qu'il y a lieu de penser de cet auteur, le plus désopilant que l'on ait vu depuis longtemps. À côté de lui, Alain Robbe-Grillet fait figure de Bossuet, et Michel Butor de Mérimée. Robert Pinget, lui, triomphe dans l'inattendu... Découvrons Robert Pinget. Qu'on se le dise... 

R.-M. Albères (Arts, 1958)
Robert Pinget peint l'homme crasseux, l'homme enlisé. C'est extravagant et familier, avec de la bonne humeur jusque dans le désespoir vaseux. 

Bernard Pingaud (L'Express, 1958)
Il est difficile de ne pas reconnaître dès les premières lignes, la présence d'un écrivain doué d'une autorité singulière... L'œuvre de Pinget est, au sens le plus fort de ce mot, déroutante. Sa verve, même quand elle l'entraîne très loin, s'accompagne d'une évidente tendresse pour les choses et les gens. 

Jacques Brenner (Paris-Normandie, 1958)
C'est un livre subtil et drôle que nous recommandons vivement aux amateurs de mondes imaginaires. 

Claude Mauriac (Le Figaro, 1958)
Récit d'une drôlerie déconcertante.

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